Récit : Renqu'art, ou l'art des mots en couleurs

"Renqu'art", c'est un mot qui vient du langage camerounais, que les jeunes ont inventé pour pouvoir s'exprimer, discuter librement sans être compris par les parents. Brad, volontaire au CJD

Renqu'art, c'est aussi -et surtout, un espace créé par Adrien et Brad, bénévoles au Conseil Jeunesse Développement¹ (CJD), pour exprimer la migration à travers l'art lors d'ateliers. Ouvert aux artistes confirmés ou non, venant d'ici et d'ailleurs, c'est avant tout un lieu pour se rencontrer et échanger avec la peinture, le dessin, la photo, l'écriture... selon l'inspiration.

Retrouvez le récit de Brad, Adrien et Carine ci-dessous, ou poussez la porte d'un prochain atelier !

¹Le Conseil Jeunesse Développement (CJD) est une Organisation de Jeunesse qui accompagne les jeunes de 16 à 35 ans dans leurs projets interculturels.

Comment est né le projet Renqu'art ?

Adrien : Dès le départ, la volonté était de créer un pont entre migrants et non migrants. À Bruxelles, j’ai pu me rendre compte qu’il y a encore beaucoup d’incompréhension autour de la migration. La participation à un concours de la Fondation Roi Baudouin, l’ouverture d’un appel à projets autour de l’interculturalité et le soutien du CJD ont permis d’imaginer plus précisément notre projet. Je voulais créer la rencontre à travers quelque chose qui sorte de l’ordinaire. 

Brad :  Comme nous avions tous deux une formation artistique, pourquoi ne pas créer l’ouverture à travers ce médium qui est autre, l’art ? Pour veiller à cette ouverture, les supports sont divers : peinture, dessin, photographie, céramique… même l’écriture si les personnes le souhaitent. Au-delà de la rencontre, l’atelier permet aussi d’en recueillir un fruit qui nous touche, de la matière artistique.

Carine : À travers la rencontre, il y a davantage de compréhension de l’autre, ce qui amène moins de peur, moins de racisme –on espère… Finalement, « Renqu’art » permet d’aller vers une société plus ouverte.

Étant moi-même immigré, j’ai dû voir et vivre certaines choses qui m’ont poussé à faire découvrir à l’autre ce qu’est la migration. Adrien, volontaire au CJD

Les rencontres réunissent des personnes d’horizons divers…

Brad : Quand on parle de "migrants", il s'agit bien de migrants de toute part. D’Afrique mais aussi d’ailleurs, d’Europe par exemple. Même si on les appelle plus souvent "expatriés", ce sont aussi des "migrants". Il y a des soirées où se sont plutôt des expatriés, d'autres soirées où des belges sont plus présents et d'autres encore où belges et migrants sont réunis. Les participants sont des artistes confirmés ou non, tout le monde se croise. L'accès est libre, certaines personnes viennent régulièrement, d'autres viennent quelque fois. 

Carine : L'ambiance y est toujours sereine, et varie selon les participants présents. Néanmoins, les échanges démarrent toujours d’une thématique principale, la migration. 

Comment décririez-vous les ateliers ?

Brad : Des artistes confirmés sont toujours présents. L'atelier se passe à travers les discussions, les échanges, les demandes de conseils... Les participants viennent avec leurs propres représentations et les sujets qu'ils souhaitent traiter. La création amène le participant à échanger avec les personnes autour de lui.

Carine : Chacun est libre d’emprunter sa propre porte d'entrée. Cela donne une richesse incroyable car cela peut partir dans tous les sens. C'est un moment mêlant réflexion personnelle et partages. Le côté informel est vraiment privilégié pour alléger, s’exprimer aisément même si le sujet peut être lourd. Pour inviter à la création, les modalités ont été pensées en trois phases.
 

D’abord, tu viens, tu discutes avec Adrien ou Brad. Ils te présentent comment fonctionne l'atelier ainsi que la charte affichée au mur. Tu te lances selon tes envies et tes idées. Ensuite, tu vas vers l'autre, pour voir son travail, discuter et échanger avec lui. Finalement, tu te lances dans la co-construction, tu échanges et tu crées avec les autres. Carine, permanente au CJD

Renqu’art apporte beaucoup, à vous et aux participants…

C’est une route, chacun passe et laisse un peu de soi, puis la vie continue. Adrien, volontaire au CJD

Brad : L'art permet d'aller au-delà des frontières et des préjugés. Avec l'art, on se sent plus libre de "dire ce qu'on pense". Cela ouvre le champ de l'expression, où chacun peut venir avec des propositions diverses. Ce n'est pas de trouver les mots qui importe, c'est surtout de pouvoir exprimer autrement nos pensées autour de la migration, s'ouvrir vers d'autres langages pour s'exprimer. 

Adrien : Le dialogue se crée réellement entre les deux publics. Les participants communiquent entre eux, les uns s’intéressent aux créations des autres et vice-versa, l’art provoque un intérêt pour l’autre. Par ailleurs, on se rend compte qu’il y a de multiples perceptions de la migration. Les participants expriment des choses auxquelles moi-même je ne m’attendais pas. J’ai été curieux aussi de voir à quel point les gens ont une fibre artistique même s’ils n’ont pas suivi une formation spécifique. C’est un réel enrichissement humain, créatif et philosophique.

Si je vous dis "nouveaux arrivants aujourd’hui, bénévoles demain ?", à quoi pensez-vous ?

Brad : Même si je n'aime pas trop ce terme, je pense "intégrés".

Adrien : Migrants, citoyens ouverts… Des constructeurs de la vie de demain.

Carine : Oui bien sûr, ce serait vraiment le rêve !